C’est toujours pour nous chrétiens une joie intime, quand nous commençons une nouvelle année ecclésiastique. Notre Mère l’Église nous tend charitablement la main et veut nous guider pendant une année sainte, nous faire vivre une année de vie divine. De nouveau le Christ mystique veut grandir dans ses membres, faire circuler dans son corps, qui est l’Église, le courant de vie divine. C’est là le but de toute liturgie, c’est donc aussi le but de l’année ecclésiastique.
La vigne divine doit pousser de nouveaux rameaux, elle doit verdir, porter des fruits — et les faire mûrir — tout cela dans les saisons de l’année liturgique. C’est ainsi qu’elle tend à la perfection.
Le Christ mystique doit “ se faire chair ” dans ses membres ; il doit naître, croître, souffrir, mourir et ressusciter. C’est ainsi qu’il tend à la perfection.
Ce qui se passe dans le drame extérieur, dans le mystère de l’année ecclésiastique, est le voile, le manteau, derrière lequel se cache, invisible à l’œil humain, la croissance du corps mystique du Christ.
L’année liturgique ne veut pas être la commémoration des grandes actions de Dieu dans l’histoire du salut ; elle ne veut pas nous promener dans une galerie de saints héros. En général, elle ne veut pas nous parler du passé, mais du présent. Elle ne veut pas nous offrir de l’histoire, mais de la réalité. Elle ne veut pas nous raconter des faits passés, mais bien plutôt nous donner la vie divine et la développer en nous. Le but de l’année ecclésiastique est le même que celui de l’Église, celui pour lequel le Christ est venu sur la terre : “ afin qu’ils aient la vie (divine) et qu’ils l’aient en abondance ”.
Sans doute l’année liturgique nous conduit dans le passé : l’Ancien Testament avec ses principales figures passe devant nous, nous pouvons considérer la vie terrestre du Christ dans ses phases principales, et même suivre ses pas ; l’Église nous conduit au tombeau des saints et nous raconte mainte vie héroïque. Ce que l’année ecclésiastique nous montre extérieurement est du passé, mais ce passé n’est que revêtement, image et symbole ; c’est le corps de l’année liturgique ; son âme est le développement de la vie divine. L’Ancien Testament doit nous indiquer l’accomplissement réalisé dans le Nouveau, la vie historique de Jésus se renouvelle par la grâce dans notre âme, et les saints doivent nous communiquer de la surabondance de leur vie glorifiée. Que devons-nous donc attendre de l’année liturgique ?
La vie divine, la vie en abondance. La vie divine dont le germe a été déposé dans notre âme par le baptême doit, pendant cette année ecclésiastique, se développer et tendre à sa perfection, au moyen de la prière liturgique. La liturgie est semblable à un anneau précieux dont le diamant est l’Eucharistie et dont la sertissure est formée par les fêtes et les temps ecclésiastiques.
Le voyage à travers l’année ecclésiastique ressemble à une excursion dans les montagnes ; il y a deux sommets à gravir, une première hauteur qui est la montagne de Noël et une hauteur principale qui est la montagne de Pâques. Dans les deux cas, il y a une montée, le temps de préparation (Avent et Carême), un cheminement sur les hauteurs d’une crête à l’autre (Noël jusqu’à l’Épiphanie, Pâques jusqu’à la Pentecôte) et une descente dans la plaine (dimanches après l’Épiphanie et après la Pentecôte). Nous avons par conséquent deux cycles de fêtes à parcourir. Dans les deux, les considérations particulières ont pour objet tout l’ensemble, le royaume de Dieu dans l’âme et dans l’Église. Deux fois dans l’année, nous cherchons le royaume de Dieu, nous le trouvons et l’édifions, Pendant l’Avent nous soupirons avec l’ardeur des justes de l’Ancien Testament après la venue du Sauveur, à Noël, nous nous réjouissons de sa naissance et par là même de la Rédemption acquise ; après l’Épiphanie, nous essayons d’étendre le royaume de Dieu en nous et autour de nous. Et puis, pendant le Carême, nous commençons, en esprit de pénitence et avec le sentiment de notre besoin de Rédemption, une nouvelle ascension, celle de la montagne escarpée de Pâques, nous recevons à Pâques une vie divine nouvelle, nous savourons le bonheur des enfants de Dieu, jusqu’à la Pentecôte, pour recevoir ensuite la maturité chrétienne et mener le bon combat contre l’enfer, le monde et notre moi. Et enfin nous attendons la fin glorieuse, le retour du Seigneur à notre mort et au dernier jour.
Qu’il est donc heureux le chrétien qui, guidé par la main maternelle de l’Église, peut parcourir, tous les ans, l’année du salut ! Elle lui offre une source jaillissante de joies pures, de grande consolation et d’édification spirituelle.
L’année ecclésiastique est le vrai guide de nos âmes. Notre âme est souvent si dénuée et pauvre ! (Ps. 69) ; elle est comme égarée dans cette vallée de larmes. Sans doute le Baptême l’a revêtue du vêtement des enfants de Dieu et l’a munie de la force de la grâce, mais les suites du péché originel sont comme un poids de plomb qui retient son élan et l’entraîne vers la terre. Elle a besoin d’un maître sage, d’un guide expérimenté, d’un éducateur zélé, d’une mère patiente. L’année ecclésiastique remplit tous ces rôles.