Me voici, envoie-moi
1. Lecture d’Avent. — Le Prophète Isaïe nous présente aujourd’hui une scène sublime : la vision où il reçut sa vocation (VI, 1-13). Il est dans le temple : “ Je vis le Seigneur sur un trône élevé et sublime, les bords de son manteau remplissaient le temple, les Séraphins planaient au-dessus de lui ; ils avaient chacun six ailes... Ils criaient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint est le Dieu des armées, tout l’univers est rempli de sa magnificence. Leurs hauts cris ébranlèrent les gonds des seuils et la maison se remplit de fumée. ” Le Prophète s’effraie ; il craint de mourir parce qu’il a vu le Seigneur. “ Malheur à moi, je suis perdu, impures sont mes lèvres et je demeure parmi un peuple impur et mes yeux voient le Seigneur des armées ! Alors un Séraphin vola vers moi avec un charbon ardent dans la main qu’il avait pris avec une pince sur l’autel et il toucha ma langue et dit : ce charbon a touché tes lèvres, ta faute a disparu, ton péché est détruit. Alors j’entendis la voix du Seigneur qui disait : Qui enverrai-je et qui ira pour nous ? Alors je lui dis : Me voici, envoie-moi. Et Il dit : Va et dis à ce peuple : Entendez et ne comprenez pas, voyez et ne reconnaissez pas : endurcis le cœur de ce peuple, assourdis ses oreilles, aveugle ses yeux afin qu’il ne voie pas avec ses yeux, qu’il n’entende, pas avec ses oreilles, qu’il ne rentre pas en lui-même et ne trouve pas la guérison... Cependant de même que lorsqu’on a abattu un chêne il reste un tronc, son tronc produira un saint rejeton. ”
Ainsi parle le Prophète. Ce passage est pour nous d’une grande importance. Nous y entendons pour la première fois le chant des chérubins : Saint, Saint, Saint, dont use la liturgie depuis les temps les plus reculés au début du Canon. De même, la purification avec le charbon ardent est mentionnée dans la liturgie : chaque jour le prêtre fait cette prière avant d’annoncer l’Évangile : Purifie mon cœur et mes lèvres, Toi qui as purifié les lèvres du prophète Isaïe avec un charbon ardent ” De même la malédiction contre le peuple juif nous est connue par l’Évangile. Le Christ lui-même se réfère, dans sa prédication au bord du lac, à ce passage d’Isaïe (Math. XIII, 14 sq.). C’est là la destinée émouvante et tragique du peuple élu devenu le peuple réprouvé. L’aveuglement du peuple juif (obcaecatio cf. les oraisons du Vendredi-Saint) persiste encore de nos jours. La conclusion consolante de la prophétie, où il est question du rejeton saint, est l’espérance de l’Avent. Ce rejeton saint est le Rédempteur.
2. Chants de l’Avent. Un chant de l’Église est comme une vision du Roi qui approche :
“ Je contemple dans une vision nocturne et je vois :Dans les nuées du ciel vient le Fils de l’Homme,A Lui ont été donnés le royaume et l’honneurEt tous les peuples, tribus et langues le servent.Sa puissance est une puissance éternelle, elle ne lui sera pas enlevéeEt son royaume ne sera jamais détruit. ”
La première pensée qui se présente à notre réveil, comme une goutte de rosée qui rafraîchit notre âme, est celle de la Vierge avec le divin Enfant : “ Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. ”
Quand le soleil s’incline sur l’horizon, nous sommes saisis du désir ardent de la venue du Seigneur : “ Je veux chercher des yeux le Seigneur, mon Sauveur, je veux lui souhaiter la bienvenue quand il viendra, Alleluia. ”
3. Les psaumes de l’Avent. La liturgie est un contact avec la divinité. Il faut pour cela qu’il y ait un double mouvement : Dieu “ vient ”, Dieu “ apparaît ” ; l’homme “ va ” “ à la rencontre ” de Dieu. Ce double mouvement est exprimé d’une manière très belle et très dramatique, particulièrement pendant l’Avent. Ne voyons-nous pas le Seigneur venir peu à peu ? La liturgie montre cette gradation avec une maîtrise incomparable. Mais l’homme aussi s’avance au-devant du Seigneur. La liturgie exprime aussi la gradation de cette démarche. C’est surtout dans les psaumes que nous trouvons l’expression graduelle de cet élément humain. L’Église chante fréquemment dans ce temps quatre psaumes : les ps. 24, 79, 84 et 18. Ces quatre psaumes nous donnent, sous quatre aspects successifs, l’impression de l’Avent, telle qu’elle est exprimée dans les Introïts des quatre dimanches de l’Avent.
Le psaume 24 domine toute la messe du premier dimanche de l’Avent (C’est toujours la caractéristique d’une messe). Nous devons donc, pendant la première semaine, nous pénétrer de ce psaume et aimer à le chanter. Nous y trouvons la confiance en Dieu, unie au désir et à l’attente de son secours en même temps qu’à la pénitence. Nous en donnons ici la traduction (récitons-le chaque jour pendant cette semaine).
I
Vers toi, Seigneur, j’élève mon âme.Mon Dieu, en toi je me confie ; que je ne sois pas confondu !Que mes ennemis ne se réjouissent pas à mon sujetNon, aucun de ceux qui espèrent en toi ne sera confondu,Ceux-là seront confondus qui sont infidèles sans cause ; ;Seigneur, fais-moi connaître tes voies,Enseigne-moi tes sentiers,Conduis-moi dans ta vérité et instruis-moi ;Car tu es le Dieu de mon salut,Tu es, tout le Jour, mon espérance,Seigneur, souviens-toi de moi, selon ta miséricorde,A cause de ta bonté.
II
Le Seigneur est bon et droit ;C’est pourquoi il indique aux pécheurs la voie.Il conduit les humbles dans la justice,Il enseigne aux humbles sa voie.Tous les sentiers du Seigneur sont miséricorde et fidélitéPour ceux qui gardent son alliance et ses commandements.A cause de ton nom, Seigneur,Tu pardonneras mon iniquité, car elle est grande.Quel est l’homme qui craint le Seigneur ?Le Seigneur lui montre la voie qu’il doit choisir.Son âme repose dans le bonheurEt sa postérité possédera le pays.Le Seigneur est une forteresse pour ceux qui le craignentEt il conclut avec eux son alliance.
III
J’ai les yeux tournés vers le Seigneur,Car c’est lui qui tirera mes pieds du lacet.Regarde-moi et prends pitié de moi, Car je suis délaissé et malheureux.Les angoisses de mon cœur se sont accrues :Tire-moi de ma détresse.Vois ma misère et ma peine,Et pardonne tous mes péchés.Vois combien sont nombreux mes ennemis,Et quelle haine violente ils ont contre moi !Garde mon âme et sauve-moi.Que je ne sois pas confondu, car j’ai mis ma confiance en toiQue l’innocence et la droiture me protègent,Car j’espère en toi !O Dieu, délivre IsraëlDe toutes ses angoisses.
Faisons quelques remarques sur le psaume. Le chant, dans le texte hébreu, est alphabétique, c’est-à-dire que chacun des versets commence par une lettre de l’alphabet. Dans ces sortes de chants, assez fréquents dans la Bible, la marche des idées est un peu flottante ; les versets se suivent comme des sentences. Il en est ainsi dans notre psaume. Nous pouvons cependant distinguer trois sections : 1. Un regard plein de confiance vers Dieu ; 2. Dieu est miséricordieux et fidèle ; 3. Nous le prions de nous garder au milieu de nos ennemis. Quelques versets sont si beaux qu’il faudrait les apprendre par cœur et en faire des oraisons jaculatoires.
Faisons-en l’application à l’Avent. Le chant de “ l’espoir et de la Rédemption ” est un psaume typique de l’Avent. Ce n’est pas sans raison qu’il prend place, le premier dimanche de l’Avent, dans l’introït, le graduel et l’offertoire de la messe. Le psaume 24 contient en effet toutes les pensées et tous les sentiments dont nous avons besoin pendant l’Avent. Il respire la confiance et l’espoir. Il nous parle des aspirations et des désirs de l’âme qui cherche le secours. Les sentiments de pénitence s’y trouvent aussi. On peut citer quelques versets typiques qui pourront servir de leitmotiv pour l’Avent. “ Vers toi, j’élève mon âme. ” “ Aucun de ceux qui espèrent en toi, ne sera confondu. ” Il est question des “ chemins ” et des “ sentiers ” du Seigneur. “ J’ai les yeux tournés vers le Seigneur ”, “ J’espère en toi. ” On trouve très peu de psaumes qu’on puisse aussi facilement, sans faire violence au sens littéral, adapter aux desseins de la liturgie, que celui-ci. Il n’en est que plus aisé de répondre aux désirs de la liturgie et d’exprimer, au moyen de ce psaume, nos désirs et notre préparation de l’Avent. Les pensées principales de ce psaume, dans lesquelles il faut chercher l’accent liturgique, ont été extraites par l’Église pour constituer l’Introït et l’Offertoire, et, dans le Graduel, elle les réunit pour en former comme un bouquet. Ces versets doivent aider notre vie de prière pendant l’Avent et lui donner la tonalité juste.
On n’arrivera à aimer les psaumes que si on les récite souvent, que si on les répète sans cesse. C’est ainsi qu’ils pénétreront dans notre âme comme un chant favori. Une bonne résolution à prendre pendant l’Avent serait celle de nous rendre familier un des quatre psaumes de l’Avent.