6 JANVIER - L’Épiphanie de Notre Seigneur (double de 1ère classe avec Octave)

Station à Saint Pierre. 

“ Voici qu’est arrivé (advenit) le Souverain, le Seigneur, dans sa main se trouve la dignité royale, la puissance et l’empire du monde ” (Introït). L’Église nous indique par là que notre fête est l’accomplissement suprême de l’Avent. L’Epiphanie est le point culminant du cycle de Noël. 

“ Réjouissez-vous dans le Seigneur, mes très chers, je vous le dis encore, réjouissez-vous, car peu de temps après la solennité de la naissance du Christ, brille à nos yeux la fête de sa Manifestation. Celui qui, à Noël. est né de la Vierge, le monde l’a reconnu aujourd’hui ” (Mat. Homélie de saint Léon I). 

1. Pensées de la fête. — La liturgie atteint le second sommet du cycle de Noël, dans la fête de l’Épiphanie. Noël est la fête intime, la fête de famille des chrétiens, l’Épiphanie est la fête mondiale de l’Église catholique. La pensée de la fête, comme nous l’avons déjà dit, est moins un événement de l’enfance de Jésus que la manifestation du Fils de Dieu au monde. Cette pensée est illustrée par trois images tirées de la vie de Notre Seigneur : l’adoration des Mages, le Baptême de Jésus et son premier miracle aux noces de Cana. Alors que les chrétiens orientaux mettent au premier plan la seconde image et appellent cette fête, la fête du Jourdain, l’Église Occidentale préfère la première image, l’adoration des Mages et appelle volontiers cette fête, la fête des Rois. 

Pour avoir une intelligence plus profonde de la fête, considérons deux manières de voir des Orientaux. Quand, en Orient, un souverain visitait une ville, il était reçu solennellement au milieu des illuminations, lui-même faisait son entrée dans toute sa splendeur royale, il offrait aux habitants de la ville un repas somptueux et concédait des privilèges. On appelait cette visite solennelle théophanie, épiphanie “ apparition d’un dieu ”, comme si Dieu lui-même était venu sur la terre. Cette apparition de Dieu se réalise véritablement dans la personne du Christ. Le divin Roi est “ apparu ” dans sa ville, l’Église. Il déploie toute sa magnificence, les habitants de la ville le reçoivent avec de grandes manifestations de joie et il leur prépare le festin de l’Eucharistie. 

La seconde manière de voir se rattache à l’usage des noces en Orient. Ces noces revêtaient une solennité extraordinaire et duraient plusieurs jours, si bien que les Orientaux se représentaient la vie heureuse sous l’aspect des noces. L’image des noces est une vraie image biblique, c’est aussi une image liturgique : le Christ vient comme un Époux dans le monde, par la Rédemption. Il célèbre ses noces avec l’Église, l’Eucharistie est son banquet nuptial. Ces deux images s’unissent dans la fête de l’Épiphanie. Le Christ, le divin Roi, fait son entrée dans sa ville et célèbre ses noces avec son Épouse l’Église ; quant à nous, les enfants de Dieu, nous sommes invités à prendre part au festin nuptial. 

Cette image se dessine avec une grande beauté dans l’antienne de Benedictus, à Laudes, et les trois images signalées plus haut se fondent harmonieusement en une trame merveilleuse. 

Elle est rythmée et provient d’une hymne, c’est vraisemblablement une libre adaptation d’un modèle grec versifié. 
Hodie caelesti Sponso
Juncta est Ecclesia
Quoniam in Jordane lavit
Christus ejus crimina ;
Currunt cum muneribus
Magi ad regales nuptias
Et ex aqua facto vino
Laetentur convivae
Alleluia. 
Aujourd’hui à son céleste Époux
A été unie l’Église
Parce que dans le Jourdain ont été lavés
Par le Christ ses péchés ;
On voit courir avec des présents
Les Mages aux noces royales
Et du vin provenant de l’eau
Les convives se réjouissent.
Alleluia.
Dans cet admirable tableau de noces est dessinée toute la vie sacramentelle de l’Église : le Baptême, l’Offrande, la Communion. Par le Baptême, le Christ s’est fait de chaque âme chrétienne une épouse immaculée et il célèbre ses noces avec l’Église dans le banquet eucharistique. Les dons spirituels, que nous apportons à l’Offertoire dans le symbole de l’Offrande, sont de véritables. dons royaux, des présents de noces. A la Communion, nous recevons de nouveau ces dons et nous constatons avec admiration que l’eau a été changée en vin. Ainsi les deux grandes fêtes du cycle d’hiver nous représentent la Rédemption en deux tableaux progressifs : la Naissance et les Noces : Noël, la naissance du Christ et notre renaissance en Lui ; Épiphanie, le mariage du Christ avec l’Église et l’âme. L’idée de lumière est aussi nettement accentuée dans les deux fêtes (de là l’insistance de l’Église sur l’étoile des Mages, de. là aussi la belle leçon à la messe de la fête : Illumine-toi, Jérusalem). 

Bien que, le jour de la fête, les trois mystères se présentent tour à tour à nous (au bréviaire), l’Église, en les traitant successivement, s’en tient à la suite historique. Le jour même de la fête, elle célèbre l’adoration des Mages ; au jour Octave, le Baptême dans le Jourdain ; le deuxième dimanche après l’Épiphanie. les noces de Cana, Entre temps, le dimanche dans l’Octave, elle introduit l’incident de Jésus à douze ans, ce qui constitue une transition entre l’Enfance et la vie publique de Jésus, 

2. L’Office des Heures. — Dans une si grande fête, les laïcs eux-mêmes devraient prendre part à la prière des Heures de l’Église, Le jour de l’Épiphanie, spécialement, la prière des Heures est une adoration du Fils de Dieu sous la conduite des Mages, On s’en rend compte immédiatement, en constatant que, dans les antiennes, revient avec prédilection le mot adorare, adorer. Les Matines de la fête n’ont pas d’invitatoire. A sa place on emploie le psaume d’adoration lui-même, le ps. 94, au cours des Matines (avec répétition fréquente du verset principal). Les âmes pieuses feront bien, au cours de cette semaine, de méditer le ps. 71 qui est le cantique directeur de la fête, L’Église distingue encore ses très grandes fêtes en chantant, dans les répons brefs des petites heures, l’Alleluia comme à Pâques. C’est le cas aujourd’hui. 

3. Annonce des fêtes mobiles de l’année. — Aujourd’hui, dans les Églises cathédrales et abbatiales et aussi dans les communautés où on cultive la liturgie, les fêtes mobiles de l’année sont annoncées solennellement après l’Évangile de la grand messe :

Sachez, mes très chers frères, que, de même que nous nous sommes réjouis de la Nativité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous vous annonçons, aussi par la miséricorde de Dieu, la joie de la Résurrection de Notre-Seigneur : 
   
Le 17 février sera le dimanche de la Septuagésime. 
Le 6 mars le jour des Cendres et le commencement du jeûne de la sainte quarantaine. 
Le 21 avril nous célébrerons la sainte Pâque de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la joie. 
Le 30 mai est l’Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 
Le 9 juin est la fête de la Pentecôte. 
Le 20 juin est la fête du Très saint Corps du Christ. 
Le 1er décembre est le premier dimanche de l’Avent de Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui soit honneur et gloire dans les siècles des siècles. Amen[1]. 
     
Remarquons le sens profond de cette annonce. Au point culminant du cycle de Noël, l’Église nous fait déjà à entrevoir le point culminant du cycle de Pâques. 
     
4. La messe (Ecce advenit). — La prière des Heures était une adoration, la messe est une Offrande, sous la conduite des Mages. Cette fête étant la fête de l’Église des Gentils, de l’Église catholique, nous célébrons le Saint-Sacrifice dans la basilique de Saint-Pierre, où tous les peuples sont rassemblés en esprit. A l’entrée du Pape et du clergé, nous saluons le divin Roi qui paraît dans sa ville, car aujourd’hui est le point. culminant et l’accomplissement de l’Avent. “ Voici que s’avance (advenit) le Souverain. ” Et nous chantons immédiatement le psaume 71, le psaume des Rois qui retentit à travers toute la messe. La belle Oraison nous explique le mystère des Rois : nous sommes comme les Mages, conduits par l’étoile de la foi, à travers le désert de la vie ; à travers les persécutions d’Hérode (du démon), nous marchons vers le Christ, non pas vers l’Enfant, mais vers le Roi qui revient dans tout l’éclat de sa Majesté. Ce retour se réalise déjà à la messe, extérieurement semblable à ce que virent les Mages, l’Hostie rappelant le petit Enfant. 

L’Oraison a déjà fait ressortir le thème de la lumière. Dans la leçon il apparaît dans toute sa splendeur. Le Prophète montre à nos regards une vision de la royauté du Messie sur le monde. La ville de Dieu est illuminée, car le Roi y fait sa visite royale, sa “ Parousie ”. La ville étincelle alors de la lumière de Dieu pendant que l’obscurité recouvre toute la terre. Alors les peuples païens accourent vers la lumière divine pour marcher ensuite dans son rayonnement. Ils viennent avec des présents dans les mains, des présents royaux, de l’or et de l’encens. — Avec intention, le Graduel répète comme un écho de la leçon, les deux pensées dominantes : la lumière et les présents ; l’Alleluia emprunte à l’Évangile son verset principal qui contient les deux mêmes idées. (Les deux chants constituent ainsi une transition entre les deux lectures, ce sont deux morceaux classiques). 

La vision prophétique qui domine les temps trouve dans l’histoire des Mages (Évang.) une première réalisation et une illustration. Mais nous, ne nous arrêtons pas à l’image ; déjà à l’Évangile, en faisant la génuflexion à ces mots : “ et ils tombèrent à genoux et ils l’adorèrent ” nous montrons que nous ne nous contentons pas d’entendre l’histoire des Mages mais que nous nous associons à eux. Au Saint-Sacrifice, l’image devient réalité. La procession de l’Offrande commence, nous nous avançons avec les Mages vers l’autel, nous sommes nous-mêmes les Mages, nous sommes des Rois et nos dons d’aujourd’hui sont des présents royaux. Mais nous sommes aussi les représentants des Gentils qui ont rendu hommage au divin Roi (le texte développé répète trois fois : toutes les nations le serviront). Remarquons encore une fois comme l’Offertoire est bien choisi pour accompagner la procession de l’Offrande. La secrète explique au sens spirituel les dons des Mages. 

Les présents royaux sont les offrandes de l’Église et celles-ci sont beaucoup plus précieuses que l’or, l’encens et la myrrhe, elles sont le Christ lui-même qui à l’Offertoire est offert avec une dévotion pure comme l’or, au Sacrifice est immolé comme l’encens et, à la communion, est déposé comme la myrrhe, dans le tombeau de notre âme. A la Communion, nous sommes enfin, avec les Mages, au terme de notre voyage, nous voyons briller l’étoile du Seigneur, la lumière de sa venue dans notre cœur. Maintenant nous adorons le Seigneur (nous chantons encore le ps. 71, le psaume des Rois qu’il faudrait chanter en entier). 

Les courtes indications que nous avons données nous montrent que presque chaque prière et chaque chant sont à leur vraie place. Les chants sont nettement destinés à accompagner les diverses processions et les symbolisent merveilleusement. Ainsi l’Introït marque l’entrée du divin Roi ; l’Offrande, le voyage des Mages pour offrir leurs présents ; la procession de la Commu. nion, l’arrivée des Mages à Bethléem. Il y a aussi entre les deux lectures un beau parallélisme, l’une est prophétie, l’autre l’accomplissement. Le Graduel et l’Alleluia marquent la relation entre les deux lectures. Enfin les deux oraisons expriment avec concision et magnificence le drame de la fête. On peut appeler la Messe des Rois un modèle classique du formulaire de messe. 

A la messe d’aujourd’hui nous apprenons à apprécier l’ancienne procession de l’Offrande qui malheureusement est tombée en désuétude. A l’offrande, nous entrons dans le Sacrifice du Christ ; l’offrande se rapporte à notre propre personne, c’est nous-mêmes que nous offrons. Mais aujourd’hui nous devons nous mettre davantage en frais et faire une offrande pour toute l’année. Nous devons apporter des présents précieux comme l’or, saints comme l’encens, marquant notre dévouement absolu comme la myrrhe amère. Dans les communautés qui aiment la liturgie, on pourrait organiser une offrande spéciale : des pièces d’or et d’argent pour les pauvres, de l’encens pour les besoins de l’année et quelques remèdes pour les malades nécessiteux. 

5. Pieux usages à l’occasion de l’Épiphanie. — Les Grecs faisaient, à l’occasion de cette fête, une bénédiction très solennelle de l’eau avec procession au fleuve. En Occident, dans certaines régions, on bénit ce jour-là de l’eau appelée l’eau des Rois, et les fidèles il emportent cette eau bénite chez eux. Cette eau bénite est un sacramental destiné à la sanctification, à la purification et à la protection des chrétiens. Mais sa signification la plus profonde est de rappeler l’eau du Baptême. Dans certaines églises on bénit aussi de l’or, de l’encens et de la myrrhe. C’est une sainte et louable coutume de bénir les maisons le jour de l’Épiphanie. La formule rituelle employée pour cette bénédiction est pleine de sens. “ Bénis, Seigneur, Dieu tout-Puissant, cette maison afin que demeurent en elle la santé, la chasteté, la vertu victorieuse, l’humilité, la bonté, la douceur, l’accomplissement de la loi et la reconnaissance envers Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Et que cette bénédiction demeure sur cette maison et ses habitants, par le Christ Notre Seigneur. Ainsi soit-il. 
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[1] Ceci est un exemple pour 1935. Pour les autres années le lecteur n’aura qu’à consulter l’Ordo ou le calendrier liturgique annuel.