“ La Jérusalem céleste”
1. La fête de la Dédicace. — La
fête d’aujourd’hui est un pèlerinage spirituel aux deux saints tombeaux de la
chrétienté, à Saint-Pierre et à Saint-Paul de Rome. Les deux basiliques sont un
bien commun de la Sainte Église tout entière ; il est donc bien
compréhensible que nous célébrions tous la dédicace de ces deux églises.
Saint-Pierre est en particulier l’église dans laquelle nous célébrons les plus
grandes fêtes de l’année ecclésiastique. A quatorze reprises, nous nous y
rendons pour l’office stationnaI. C’est là que nous célébrons le dimanche
joyeux de l’Avent (Gaudete), la troisième messe de Noël, l’Épiphanie, la
Quinquagésime, le dimanche de la Passion, le lundi de Pâques, l’Ascension, la
Pentecôte ; de plus, c’est là que nous célébrons le samedi des
Quatre-Temps de chaque trimestre. C’est donc à Saint-Pierre que nous recevons
les plus grandes grâces attachées aux fêtes de l’année ecclésiastique. Nous
devons remercier aujourd’hui pour ces grâces. A Saint-Paul hors les murs, nous
ne nous rendons que quatre fois au cours de l’année. Pourtant saint Paul est
notre parrain de baptême, il est le témoin de notre renouvellement baptismal
(Sexagésime, mercredi après le quatrième dimanche de carême, mardi de
Pâques) ; de plus, c’est lui qui nous instruit le plus souvent le
dimanche : la plupart des Épîtres sont de-lui.
Voici comment Dom Herwegen décrit les caractères
essentiels de Saint-Pierre de Rome : La Ville éternelle possède deux
églises principales : Saint-Jean de Latran et Saint-Pierre. La basilique
du Latran, la mère de toutes les églises du monde, était la propre cathédrale
des fidèles de Rome. C’est là que s’accomplissaient l’ouverture du carême,
l’administration solennelle du baptême à Pâques, etc. Mais, de son côté, la
basilique Saint-Pierre était l’église des étrangers, des pèlerins qui venaient
visiter la tombe du Prince des Apôtres.
C’est là que s’accomplissaient les cérémonies dans
lesquelles s’exprime le caractère mondial, universel, de l’Église Romaine, par
exemple la messe de l’Épiphanie et jadis aussi la messe du jour en la fête de
Noël. Ainsi s’explique l’Introït de ces deux fêtes et toutes leurs
lectures et leurs chants, dans le sens d’une proclamation de la royauté
universelle du Christ et de sa majesté royale. Qu’il me suffise de mentionner
ici rapidement quelques textes dont le sens ressort de leurs paroles
mêmes : “ Un enfant nous est né et un fils nous a été envoyé ; la souveraineté
est le manteau de ses épaules ” (Introït de Noël). “ Le Fils, qui est le
rayonnement de la gloire de son Père et l’empreinte de sa substance, et qui
soutient toutes choses par sa puissante parole, après nous avoir purifiés de
nos péchés, s’est assis à la droite de la majesté divine au plus haut des
cieux... Mais il dit au Fils : Ton trône, ô Dieu, demeure à jamais et
éternellement ; le sceptre de ta royauté est un sceptre de droiture ” (Epître).
“ Toutes les limites de la terre ont vu le salut de notre Dieu. Chantez à Dieu
dans la jubilation, terre tout entière ! Le Seigneur a révélé son salut
aux yeux de toutes les nations” (Graduel). “ Voici, dit l’Introït
de l’Épiphanie à Saint-Pierre, qu’est arrivé le Grand Roi, le Seigneur ;
la royauté est dans sa main, et la puissance et l’empire universel. Mon Dieu,
donnez votre jugement au Roi et votre justice au Fils du Roi. ” “ Lève-toi,
poursuit l’Épître, sois une lumière, Jérusalem, car voici que vient ta
lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. ” L’Evangile
parle du Roi de Juda nouveau-né, auquel, à l’Offertoire, les rois de
Tharsis apportent leurs adorations, et les rois d’Arabie et de Saba leurs
présents. “ Tous les rois de la terre l’adorent, tous les peuples le servent. ”
Les deux messes sont donc pleines de textes de l’Écriture concernant la royauté
du Christ.
2. La prière des Heures nous
parle de la construction et de l’histoire des deux basiliques. Parmi les lieux
saints qui étaient spécialement en honneur chez les premiers chrétiens, ceux où
reposaient les corps des saints martyrs recevaient plus que d’autres des
visites. Mais on témoignait une grande vénération à cette partie du Vatican où
se trouvait le tombeau de saint Pierre. De toutes les régions du monde les
chrétiens y venaient en pèlerinage, comme au rocher de la foi et au fondement
de l’Église. C’est là que vint aussi l’empereur Constantin, huit jours après
son baptême, qu’il déposa sa couronne, se prosterna à terre en humble posture
et versa d’abondantes larmes Il creusa le sol à la pioche et à la pelle et
emporta de ce lieu douze corbeilles de terre, en l’honneur des douze apôtres,
dont il se servit pour marquer l’enceinte de la future basilique qu’il voulait
faire élever au Prince des Apôtres. Celle-ci fut consacrée le 18 novembre par
le pape Silvestre 1er (voir au 31 décembre). Le pape y érigea un
autel de pierre qu’il oignit du Saint -Chrême et il ordonna que désormais les
autels devraient être construits en pierre. La nouvelle église Saint-Pierre fut
consacrée par Urbain VIII, le 18 novembre 1626. La basilique Saint-Paul, qui
avait été détruite par un incendie en 1823, fut reconstruite à grands frais et
consacrée par le pape Pie IX, le 10 décembre 1854, à l’occasion de la définition
du dogme de l’Immaculée Conception. — Pour l’explication de la fête et de la
messe de la Dédicace, voir Appendice, p. 993.
3. Lecture d’Écriture
(Apocalypse, XXI, 18-27). — L’Église interrompt la lecture de l’Écriture
occurrente et nous présente une peinture apocalyptique de la Jérusalem céleste
Cette lecture se rattache aux pensées du temps actuel de l’année ecclésiastique
Remarquons le dessein de l’Église : les deux fêtes de la Dédicace en
novembre ont des leçons dont les textes se suivent (9 nov. : XXI,
9-18 ; 18 nov. : XXI, 18-27. La lecture du 3e nocturne est
empruntée à l’octave de la Dédicace, de sorte que ces deux fêtes sont en
étroite liaison). Les leçons nous montrent la Jérusalem céleste dans son achèvement :
“ La muraille de la ville était construite en jaspe, et la ville elle-même
était d’un or pur, semblable à un pur cristal. Les pierres fondamentales du mur
de la Ville étaient ornées de toutes sortes de pierres précieuses... Les douze
portes étaient douze perles ; chaque porte était d’une seule perle Les
rues de la ville étaient d’un or pur... On n’y voyait pas de temple, car Dieu,
le Seigneur, le Tout-Puissant, est son temple ainsi que l’Agneau. La ville
n’avait besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer, car la gloire de
Dieu l’illuminait et l’Agneau était son flambeau. Les nations marcheront à sa
lumière et les rois de la terre y apporteront leur magnificence et leurs
trésors. Ses portes ne sont point fermées chaque jour et il n’y a pas de nuit.
On y apportera ce que les nations ont de plus magnifique et de plus précieux Il
n’y entrera rien de souillé, aucun artisan d’abomination et de mensonge, mais
ceux-là seulement qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau. ” De ce
passage il résulte que ces deux fêtes de Dédicace célébrées à la fin de l’année
appartiennent au symbolisme de l’automne ecclésiastique ; elles
représentent pour nous la Jérusalem céleste.