10 JANVIER - Cinquième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

La procession d’offrande de la messe.

1. Prière des Heures. — Au deuxième Nocturne, nous entendons des extraits d’un sermon de saint Maximin, évêque de Turin (milieu du Ve siècle), sur les trois mystères de la fête : “ Dans cette grande fête, nous pouvons, selon la tradition de nos pères, nous réjouir de plusieurs mystères. Aujourd’hui, nous racontent-ils, le Seigneur fut trouvé par des païens que guidait une étoile et adoré par eux ; aujourd’hui, comme convive à des noces, il a change l’eau en vin ; aujourd’hui, il a, des mains de Jean, reçu le Baptême et ainsi il a sanctifié les eaux du Jourdain et en même temps purifie son baptiseur. Quel est des évènements de ce Jour le plus Important ? Celui-la le sait qui les a accomplis. Quant à nous, nous devons être persuadés que tout ce qui est arrivé est arrivé à cause de nous. 

Car que les Chaldéens aient été amenés par l’éclat d’une étoile qui brillait d’une manière étrange, à venir l’adorer, cela donna, aux païens l’espérance de parvenir au culte du vrai Dieu. Que l’eau ait été changée en vin d’une manière merveilleuse, cela présageait le mystère d’un nouveau breuvage divin ; que l’Agneau de Dieu ait été baptisé, cela nous montre le bienfait et le salut du Baptême qui nous a fait renaître. Il convient donc, mes frères, qu’en l’honneur du rédempteur dont nous avons célébré récemment la nativité, avec toute la joie convenable, nous fêtions aussi avec piété ce jour natal de ses œuvres merveilleuses. Comme il convient donc que ces trois évènements mystérieux nous soient annoncés en un seul jour, à nous qui confessons solennellement le mystère ineffable de la Sainte Trinité sous le nom unique de Dieu ! Par ce miracle donc Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ voulut se manifester aux regards des mortels, afin que sa divinité invisible, qui était cachée dans sa forme humaine, se manifestât visiblement dans ses œuvres. ” — Aujourd’hui nous pensons le matin et le soir aux dons que nous apportons : “ Tous les peuples viendront de loin et apporteront des présents, Alleluia ” (Ant. Ben). “ Ils viendront tous de Saba, apportant de l’or et de l’encens, Alleluia, Alleluia ”. (Ant. Vêp.).

2. La messe. — Dans tous les temps, les présents des Mages ont attiré l’attention de la chrétienté. On en a tressé toute une guirlande mystique et symbolique. Or. dans l’antiquité chrétienne. la démarche des Mages. pour offrir leurs présents était considérée comme le symbole de la procession des fidèles à la messe. Nous en trouvons une preuve frappante dans une mosaïque de Ravenne. Là des deux côtés de la nef est représentée l’Offrande de l’empereur et de l’impératrice avec leur suite. L’Empereur porte le pain, et l’Impératrice le vin, à l’autel ; sur le vêtement de l’Impératrice est brodée la marche des Mages. 

La messe de la fête elle-même suppose ce symbole en mettant sur les lèvres des fidèles, pendant l’Offrande, les versets du psaume 71 : “ Les rois de Tharsis et des îles offriront des présents, les rois d’Arabie et de Saba apporteront leurs dons...” L’Église veut dire par là : Dans le drame sacré, les fidèles représentent les Mages qui apportent au divin Roi des présents précieux comme l’or, saints comme l’encens, marquant le sacrifice comme la myrrhe. Cela ne s’applique pas seulement à l’Octave de la fête, nous devons toujours avoir devant les yeux la marche des Mages et leurs présents, toutes les fois que — bien que ce soit seulement en esprit — nous faisons l’Offrande à la messe. 

Et nos offrandes ont tant d’analogie avec celles des Mages ! Le sens de l’Offrande est en effet le don de sa propre personne ; le don représente le donateur. Ainsi donc l’Offrande doit ressembler à l’or ; elle doit être ce qu’il y a de plus vrai, de plus pur et de plus précieux en nous. Elle doit ressembler à l’encens, car elle est l’expression de la plus profonde soumission à Dieu. Tel était en effet le sens le plus ancien du sacrifice (cf. Caïn et Abel). Elle doit enfin ressembler à la myrrhe, car il n’y a que ce qui est pénible qui soit digne d’un sacrifice. Enfin les trois dons symbolisent tout l’ensemble de notre vie : travail, prière et souffrance. Apportons chaque jour ces trois dons au sacrifice de la messe.

L’Église a encore une interprétation plus profonde de ces présents dans la secrète de la messe, mais nous en parlerons une autre fois. 

3. Notre myrrhe. — Offrons aujourd’hui, avec le troisième Mage, notre myrrhe. Que signifie-t-elle ? Avant tout, c’est la foi vivante au Seigneur crucifié. Nous rendons-nous compte véritablement et d’une manière vivante, qu’au Saint-Sacrifice, la mort du Christ sur la croix nous est rendue présente ? “ Toutes les fois que vous mangerez de ce pain, ... vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il revienne. ” Saint Paul dit aussi qu’il ne veut rien connaître que le Christ et le Christ crucifié. Sommes-nous remplis de reconnaissance et d’amour pour le Christ crucifié ? “ Portons-nous les stigmates du Christ dans notre corps ? ” Voilà ce que doit nous rappeler l’offrande de la myrrhe. 

La myrrhe signifie aussi, d’après les Pères, la mortification de la chair. Nous trouvant dans l’état de nature déchue, nous devons considérer notre chair comme un ennemi ; il n’y a aucune alliance possible : “ Celui qui ne se renonce pas lui-même et ne prend pas sur lui sa croix ne peut être mon disciple. ” 

Enfin la myrrhe c’est la souffrance de notre vie. Le contenu de notre vie se compose surtout de ces trois choses : travail, prière, souffrance. Des trois, la plus précieuse est la souffrance supportée dans l’abandon et l’union à Dieu. Mettons, aujourd’hui et chaque jour, la souffrance ainsi acceptée sur l’autel, au moment de l’Offrande. Ce ne sera plus alors notre souffrance mais une partie de la Passion du Christ et nous pourrons “ compléter ce qui manque aux souffrances du Christ ”. Croyons bien que seuls les privilégiés de Dieu sont choisis pour aider le Christ mystique à porter sa Croix. La souffrance est un martyre et l’Église ne met rien au-dessus du martyre. 

4. Lecture d’Écriture. — L’Apôtre des Gentils nous parle de la vraie tolérance (Rom. XIV, 1-13) ; lui qui voulait être Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs, “ tout à tous ” ; lui qui chez ses coreligionnaires a trouvé tant d’intolérance, peut nous enseigner la vraie tolérance chrétienne qui n’abandonne pas un pouce des principes, mais par la charité rétablit les bonnes relations avec les personnes : “ Personne d’entre nous ne vit pour soi et personne ne meurt pour soi ; mais, quand nous vivons, nous vivons pour le Seigneur et, quand nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Ainsi donc, que nous vivions ou que nous mourions, nous appartenons au Seigneur. Car le Christ est mort et est redevenu vivant pour régner sur les vivants et les morts... Ne nous jugeons pas les uns les autres, efforcez-vous plutôt de n’être pas pour vos frères une pierre d’achoppement et un scandale. ”